Dans la mosaïque que constituent les recueils de Serge Pey, le colloque en hommage au poète-chercheur en action qu’il est, a choisi de privilégier la pulsion de vie transmise par l’œuvre. Si celle-ci impressionne, c’est sans doute par les multiples pistes que le poète dégage au fur et à mesure que s’élabore une écriture (celle de la création et celle de la théorie) où tout s’agence de maniéré simple et précise, minutieuse toujours et obsessionnelle parfois.
Ce livre-objet est un cadeau précieux au seuil de journées d’études et de performances, de lectures et de rythmes.
Le titre, Le coup de dés, mais aussi les dessins, dans l’imaginaire qu’ils convoquent, déclenchent des souvenirs liés à la mise en espace de la page, et n’en demeurent pas moins une fabuleuse mise en scène de l’écriture poétique elle-même. Ou comment se rejoue, en quelques vers au ton rugueux, malicieux, l’histoire de la poésie. Une résistance à la mort dans un poème qui rassemble, avant d’être de nouveau dispersé par une nouvelle relance. Des espoirs et des illusions.
Le premier long poème, « Miracle dans un bistrot », se construit á coup d’images emblématiques, parodies d’une scène classique où cohabitent pêle-mêle le destin, des voyous, les dès sur un comptoir, dans un bistrot qui rime plus volontiers avec tripot. Au centre, partageant les attentions du public et du poète, un personnage de « pute » fait figure de proue et figure de muse. Et la métamorphose a lieu. Le jeu est gagnant. Le miracle est bien celui de ce sexe féminin, dont l’entreprise est licencieuse, l’éloge indécent, qui pourtant accueille l’exactitude de la mathématique en même temps que cette interrogation sur le hasard qui, de Mallarmé à Pey et d’autres, nourrit l’aventure du poème.
Les cinq autres poèmes confluent dans une épique contemporaine, familière, familiale.
D’une part, le poème devient le tombeau qui abrite ces brigadistes des nouvelles guerres, que la voix lyrique honore et ensevelit dans l’éclat du monde vivant, celui des « papillons d’hiver », des « fleurs noires d’Afrin » ou de « la poésie arrêtée des fontaines ».
Le poème, d’autre part, accueille quatre figures créatrices, toutes proches du poète, dans une série de portraits, par touches infimes. Strophes qui cernent la mémoire d’une histoire qui s’est jouée sur des plages, bords menaçants. Sur des espaces enneigés de pages prêtes á accueillir les solidarités anciennes, celles des mots, des sons, des signes qui accompagnent encore et toujours le poète.
Des histoires d’amitiés dont les vers écartent l’effroi de la mort. « La preuve par le rire ». À l’épreuve de cette énergie dévorante de rituels et de sens en émoi, un combat de Pey avec Pey, á bâtons rompus.